Permit à la mouche en GUADELOUPE

PERMIT à la mouche, l’accomplissement … !

Sûrement le plus beau jour de ma vie de pêcheur !?!

En tant que pêcheur passionné, nous avons tous un rêve. Cette prise, ce poisson, celui que l’on recherche avec ferveur et que l’on espère tant … Qu’il soit monsieur Saumon, madame Steelhead, Carangue GT, Milkfish, Poisson Coq, à chacun son challenge.

Pour moi, mon rêve ultime était de prendre un beau Permit spécifiquement à vue à la mouche, et plus que tout, de le prendre à pieds comme à mon habitude, sur les magnifiques flats de Guadeloupe.

Et voilà qu’après 10 ans consacrés à la pêche tropicale, le rêve s’est réalisé !

Je n’ai pas de mot pour exprimer la joie que j’ai ressentie en ayant pêché ce poisson si mythique à mes yeux !!! Cette espèce est reconnue par les pêcheurs à la mouche du monde entier comme étant l’un, eau douce et mer confondues, si ce n’est le plus insaisissable et difficile poisson à capturer de cette manière. De plus, je sais que seulement 2 ou 3 pêcheurs, en m’incluant dorénavant, ont réussi à relever ce défi dans toute l’histoire de la pêche sportive en Guadeloupe. Ecrire cette page à été une expérience incomparable, et tellement enrichissante !

De tous les challenges que je me suis fixé durant cette décennie de vie passée en Guadeloupe, prendre un permit à la mouche a été le plus difficile à réaliser !

Lieu méconnu des pêcheurs à la mouche de « trachinotus », cette île des Antilles fait pourtant parler d’elle depuis une quinzaine d’années maintenant. On y pêche sportivement de gros bonefishes à la mouche (mon record personnel est de 76cm), de gros snooks (record perso à 1m14, probablement le plus gros sujet attrapé du bord au leurre en France de manière sportive), de jolis tarpons (record à la mouche à 1m65 depuis un kayak). Et nous avons donc aussi ce formidable permit, ce poisson si farouche qu’on le surnomme le « démon aux nageoires noires », tout simplement le « Graal » …

Contrairement à de nombreuses autres « destinations permit » du globe, où les flats sont parfaitement adaptés à la pêche des gros sujets, ici la plupart des flats sont souvent très difficiles à pêcher. Le petit territoire qu’est « l’île Papillon », la densité de cette espèce relativement faible présente dans ce genre de milieu peu profond et l’approche à pied ajoutent à la difficulté. Et c’est bien pour cela que le défi est aussi immense et palpitant !

Pour tous ceux qui suivent mes aventures sur les flats de l’archipel guadeloupéen, vous avez dû remarquer que j’ai effectué cette quête du permit depuis toujours en ne le cherchant qu’à la mouche. Depuis environ 6 ans, j’ai ainsi capturé 13 spécimens de petites tailles, et en ai fait prendre 3. J’aurai pu céder à la tentation d’en prendre 1 ou 2 aux leurres ou aux appâts, en bateau ou accompagné, mais je savais que rien de tout ça ne m’aurait vraiment permis de me transcender pour y arriver et le résultat n’aurait pas eu à mes yeux la même saveur…

C’est certainement en ce sens que la pêche sportive doit être, la prise d’un poisson n’étant que le résultat final, l’intérêt reste, selon moi, dans la manière d’arriver à ses fins ! Et c’est à mon avis comme cela que se définissent les véritables passionnés de « pêche sportive » !

Immergé dans le milieu naturel, cherchant une véritable osmose dans cet environnement magnifique, j’ai la sensation de pouvoir peut-être me comparer à ces chasseurs qui traquent le cerf à l’arc « à l’approche », ou encore ces alpinistes qui gravissent l’Everest seuls et sans oxygène.

Personnellement, je ne connais pas de défis de pêche qui nécessitent autant d’investissement pour arriver à ses fins. Mais ce que je retiendrais le plus de cet « exploit » est bien le chemin parcouru pour en arriver là ! 10 années consacrées à cette quête et d’apprentissage personnel en pêche exotique tropicale où petit à petit, je me suis vu affiner ma technique, regrouper les infos, m’y préparer stratégiquement, mentalement… Mais également des échanges et des rencontres décisives avec d’autres pêcheurs-clients/guides de pêche « exo.flats » de renom car un tel parcours ne se fait jamais complètement seul. Grâce à tout cela, j’ai finalement pu profiter de cet instant magique, où le rêve devient réalité, où l’impossible devient soudain réalisable …

Bien sur, on ne peut jamais prédire avec précision quels résultats nos efforts vont engendrer … mais ce qui détermine l’essence même de notre sport, le challenge, le défi, est ce qui nous permet de progresser, de nous transcender, et éventuellement de susciter le rêve chez d’autres …

L’ACTION/DÉROULEMENT :

Une belle journée ensoleillée, je décide de pêcher une zone qui d’après mes calculs, pourrait aujourd’hui regrouper les conditions « nécessaires » pour prendre un permit « à vue », à la mouche, en « wading ».

Bien au fait de la difficulté de ma quête et sachant que si un éventuel combat a lieu en ce genre d’endroit, l’issue de celui-ci sera certainement plus en faveur du permit que du mien. Malgré plusieurs déboires sur quelques spécimens de tailles assez modestes les mois derniers, je continu d’y croire et ne lâche rien !

Je suis déterminé.  Fort de mon expérience, je sais que le cheminement que j’ai décidé d’emprunter peut me permettre d’arriver à mes fins. Je le disais depuis quelques semaines à mon frère ainsi qu’à mon père, guides tous les deux, que je sentais que mes efforts allaient peut être bientôt aboutir…

Je commence ma progression au milieu de ce flat que je connais comme ma poche … Après une vingtaine de minutes à chercher du regard, j’aperçois au loin une masse suspecte. J’approche et vois soudain 2 gros sujets de près d’une dizaine de kilos qui m’arrivent dessus. Ils se nourrissent sur le fond. J’observe la scène avec enthousiasme et me dis que mon calcul n’était pas si mauvais que ça! Je me doutais que les paramètres à prendre en compte (marnage, ensoleillement, vitesse du vent…) devaient concorder à ce moment pour les trouver peut être à cet endroit.

J’attaque ces 2 gros poissons. Par peur de les effrayer avec ma soie, je lance un peu court sur mes 2 premiers lancers. Je me rends tout de suite compte qu’ils n’ont pas vu ma mouche. Je lance enfin à bonne distance, je strippe, l’un des 2 suit ma mouche sur au moins 7-8 mètres quand d’un coup, je sens une touche franche, ferre comme il se doit et dans un énorme remous qui fait jaillir de l’eau en surface, j’entame un combat, puissant. En réalité avec… un poisson qui n’est en fait qu’une grosse carangue jaune venue de nulle part prendre ma mouche juste au nez et à la barbe d’un permit. Une situation qui arrive souvent lorsque l’on pêche le bonefish ou le permit sur les flats car les petites carangues sont souvent moins méfiantes et plus promptes à attaquer nos mouches. Surpris et effrayés par l’action, les 2 permits détalent à toute vitesse. Mince ! Fausse joie !!! Alors que je suis attelé, j’arrive à repérer la direction que prennent les 2 gros poissons en fuite. J’espère pouvoir les revoir après. Je bride ce poisson au maximum afin de réduire la durée du combat. En quelques secondes seulement l’action est terminée et je saisis celui-ci par la queue pour le libérer rapidement.

Un bridage aussi puissant sans toutefois casser avec un matériel aussi fin ne s’apprend pas du jour au lendemain. J’ai appris à faire cela avec le temps. Après des centaines de parties de pêche, je me souviens que lors de mes débuts au bonefish, sur ces « flats courts », c’est-à-dire où le « reef » est très proche de nous, je me faisais souvent surprendre par la puissance de ces poissons. Très vite il a fallut apprendre à régler mon frein à la perfection.

Ici, rien que sur les gros bonefishes, pas de place à l’amusement de laisser le poisson partir à plus d’une centaine de mètres de soi, en prenant le temps d’apprécier le chant du moulinet, anecdote que l’on peut souvent lire dans les magasines ou vidéos de pêche sur les grands flats de sable par exemple des Bahamas ou des Seychelles… Personnellement, les bones de plus de 70 centimètres me prennent rarement plus d’une quarantaine de mètres de backing, ce qui correspond à une longueur totale de fil dehors en dessous des 70 mètres ! Il est important de maîtriser ce paramètre car plus la longueur de fil dehors est importante, plus il y a de chance de croiser un obstacle et donc de casser.

Pour la petite histoire, cela fait maintenant plusieurs mois que je m’entraîne à brider, encore plus qu’à mon habitude les gros bonefishes. L’objectif étant d’anticiper un combat  avec un gros permit, dans un endroit probablement très encombré, pour ne pas dire un endroit où l’issue est « quasi-fatale ». Je pousse donc mon matériel à rude épreuve en cherchant à connaître précisément la résistance maximale des éléments de mon montage (solidité de mes nœuds, des bas de ligne et des hameçons que j’utilise). Sachant  pertinemment que les gros permits sont de nature à foncer vers le premier obstacle venu …

Je rebondis. La situation m’a tout de même fait comprendre que ma mouche était proche de ce que les permits recherchaient peut être ce jour là. Je choisis le même type de mouche, garde aussi la même taille et lestage. Je décide cependant de changer la couleur de celle-ci pour une autre. Malgré 1 suivi sur plusieurs mètres, il n’a pas pris, c’est forcément qu’un élément ne lui a pas plu ! Selon moi, tout était réuni, mis à part peut-être la couleur de la mouche. A voir …

Pendant que je réfléchis brièvement à la stratégie à adopter, mon œil arrive à apercevoir les 2 gros sujets de tout à l’heure qui s’éloignent maintenant tranquillement. Je les suis de loin sans les quitter des yeux et je change de mouche en même temps que je continu d’avancer.

Me voici enfin à nouveau prêt ! Ceux-ci me promènent sur le flat et je les suis de loin en attendant de les voir se nourrir à nouveau. Ils me font parcourir du chemin puis finissent par gagner les profondeurs, mince, je les ai perdus, ou ont-ils tout simplement quitté la zone peu profonde du flat. Quel dommage ! Encore une occasion de ratée !

Allez, je reste focalisé sur mon but à atteindre. Je marche puis mon attention est maintenant tournée vers des queues qui sortent de l’eau à une cinquantaine de mètres de moi… Celles-ci ont l’air noires? Je m’approche et réalise qu’en effet, une dizaine de permits sont en « tailing ». Ils sont en plus de la bonne taille pour réussir à en sortir un dans ce genre d’environnement ! Super, j’ai de la chance. Comme je dis aux pêcheurs que j’accompagne, quand je vois entre 5 et 10 permits dans une journée complète, parfois même sur 3-4 jours, c’est déjà très bien… Ici, cela fait seulement 40 minutes que je les cherche donc le nombre aperçu aujourd’hui prouve qu’ils sont très actifs !

Je me positionne idéalement et commence à lancer. J’en vois 2 qui suivent ma mouche mais restent à distance puis font demi tour pour regagner le groupe. Je lance à nouveau, réalise un posé discret, strippe, et vois l’un d’entre eux coller son nez à ma mouche sur une dizaine de mètres… puis fais demi tour lui aussi. Aaaahhhh !!!! C’est frustrant mais si typique du permit. Je lance à nouveau, mais cette fois-ci un peu long. Enfin pas tout à fait… En réalité, au moment où je fais mon shoot final avant de poser, l’un d’entre eux avance subitement vers moi. Plutôt que de stopper ma soie dans son élan pour poser plus court au dernier moment, chose que je maîtrise généralement, celle-ci m’échappe et je pose en plein dessus ! Pas la peine de vous dire que j’ai effrayé tout le monde !!! Ca doit rappeler de grand moment de solitude à beaucoup d’entre vous sur les schools de gros bonefishes et de tarpons … Ils sont tous partis en trombe et tellement vite que je n’arrive pas à distinguer vers où. Bon, 2ème pénalité pour Gavin en faveur des permits !! Rien d’anormal avec cette espèce qui ne pardonne aucune erreur ! Il faut garder son sang froid et continuer d’y croire !

Quelques minutes s’écoulent et j’aperçois à nouveau 4/5 poissons en train de se nourrir autour de patates de corail. Ils se sont peut-être séparés du reste du groupe, donc probablement un peu sur le qui-vive, ou bien est-ce un autre « school »!?

Je suis maintenant très proche de la barrière de corail. Je me déplace sur l’herbes à tortue afin de ne pas nuire au milieu. Je me place à distance de lancer. C’est partit ! Je lance trop court une 1ère fois. Là c’est bon, je concentre toute mon attention et me dis, arrête tes bêtises et vas-y, fais simplement ce qu’il faut … ! Je lance enfin parfaitement sur l’un d’entre eux. Il est intéressé, il suit franchement, je strippe de plus en plus vite et voilà qu’il se saisie de ma mouche brutalement !!! C’est bon, il est au bout et je ne sais pas si le plus gros du travail est fait, mais je sais surtout ce qui risque de se produire dans ce genre d’endroit … Il file à toute vitesse !!! D’abord en longeant la barrière, puis traverse celle-ci à fond! Là c’est mal barré ! Je le suis la canne très haute, pour éviter les frottements. Je me casse la figure à plusieurs reprises, les vagues me passent par dessus la tête, et je me remets sur les jambes comme je peux ?! Je suis bien conscient que je ne vais pas sortir indemne de ce combat mais peu importe, je tente le tout pour le tout et continu à me faire trimballer dans les roches, les coraux et les vagues … Le poisson est rendu sur mon backing et malgré mon habileté à éviter la plupart des obstacles saillants, en faisant le tour des patates de corail les unes après les autres, je vois que ça frotte un peu partout le long de ma ligne. J’arrive à le brider un peu, même si je subi aussi ses rushs qui me paraissent interminables !!! Combien ça dure ? 15 – 20 minutes ?

Mon père qui me regardait à distance depuis le début s’imaginait l’issue de l’action en se disant que si c’était bien le poisson auquel il pensait, il me voyait déjà revenir vers lui sans celui-ci. Les chances sont tellement minces de réussir à terminer un combat dans ces circonstances… Il m’a vu disparaître sous l’eau, la canne en l’air, puis réapparaître, encore attelé, plusieurs fois durant tout le combat …

Je commence à ne plus en pouvoir ! L’effort est intense ! Mais je ne suis pas le dernier des combattants/lol ?! Je donne tout jusqu’au moment où je commence à voir la distance entre lui et moi se réduire petit à petit. Il me passe 2 fois à moins de 5 mètres. Je sais que j’ai été proche de la casse à plusieurs reprises mais l’euphorie et l’adrénaline doivent probablement m’aider à garder espoir ! A un moment, il me passe à proximité, j’essaie de l’attraper mais n’ayant aucun appui, je suis couché dans l’eau et me fais dangereusement enrouler par les vagues.

A cet instant précis, j’avoue m’imaginer le pire, le retournement de situation, casser et le perdre en toute fin de combat, le voir s’en aller sans avoir pu le toucher. Mais la ligne tient bon et le bonhomme aussi ! L’histoire semble « s’écrire » autrement, en ma faveur !

Il recommence, il me passe à côté à moins de 2 mètres et là j’arrive à lui sauter dessus en l’attrapant par la queue ! C’est bon je le tiens fermement, il est foutu, je ne le lâcherai plus quoiqu’il arrive ! Je suis exténué et en mauvaise position pour me sortir de là, je me laisse transporter à plat ventre par-dessus la barrière. Je commence à sentir que mes jambes ont dû être malmenées. Peu importe, je l’ai !!! C’est bon je sors enfin de cette galère.

Mon père me voit m’avancer vers lui en traînant un « truc » dans l’eau. Quand j’arrive à mi-distance de lui, je lève le poisson hors de l’eau … Il croit halluciner ! Il n’a pas l’air de réaliser ! En me rapprochant de lui, je sors à nouveau le poisson de l’eau ! Là je vois mon père tendre les bras vers le haut en signe de victoire ! Ca y est, nous sommes tous les 2 conscients de ce qui vient de se produire.

Je suis en plein délire ! Je l’ai enfin, après toutes ces années d’investissement, il est là, dans mes mains ! Un immense sentiment de joie m’envahit !!! Qui sait, peut-être que la mer des caraïbes à voulu me faire ce cadeau, une sorte de remerciement …

J’ai réalisé mon rêve ! Et j’ai réussi cela, comme j’ai toujours essayé de le faire, en prenant soin de respecter l’environnement et les espèces que je cherche dans ces écosystèmes si fragile, c’est-à-dire à la mouche et à pied. Tout ce que je cherche à partager avec les pêcheurs que j’accompagne.

Nous faisons les photos pour immortaliser ce moment exceptionnel. Je rends la liberté à mon rêve en versant une petite larme et raconte dans la foulée à mon père le déroulement de cette action mémorable !

Au fait, les pêcheurs que vous êtes seront amusés d’entendre cette dernière anecdote :

Une fois arrivé chez moi, j’ai vérifié l’ensemble de mon matériel et chose assez drôle, en tirant sur mon raccord soie/backing, sans trop de résistance, j’ai réussi à cassé le backing à la main, pas le nœud de raccord, non, le backing lui-même, quand on connait la résistance d’un fil de backing… J’ai recommencé l’opération en enlevant à chaque fois quelques dizaines de centimètres et j’ai cassé comme ça à 3 endroits différents !!! C’est dire à quel point il s’en est vraiment fallut de peu …!!!

Ce genre de sensation provoque une émotion rare et je souhaite à tout le monde de vivre ça au moins une fois dans sa vie de pêcheur !?!

Pêche d’un permit à la mouche en Guadeloupe

Catégories :

Aucune réponse

Laisser un commentaire